Loup, où es-tu ?
WEO 01/12/2025 à 12h07 Loup, où es-tu ?
Le ventre de Lomme
WEO 19/11/2025 à 15h46 Le ventre de Lomme
Accueil  >  Les documentaires de Wéo  >  Documentaire : Le jouet qui répare

Documentaire : Le jouet qui répare

WEO
À Guise, dans l’Aisne, un chantier d’insertion redonne une seconde vie aux jouets… et à celles et ceux qui les réparent. Priscillia, Corentin, Ophélie, Caroline ou encore Yannick, tentent de se reconstruire dans l’atelier de Recycl’jouets. Ils réapprennent les gestes, les règles et à croire en eux. Chaque jouet réparé devient le symbole d’un renouveau. Le défi est de taille : se relever… et ne pas rechuter. Entre écologie, entraide et résilience, le film réalisé par Guillaume Desplanques « le jouet qui répare » raconte une aventure profondément humaine.
Dans une vaste grange de Guise, dans l'Aisne, des dizaines de milliers de jouets s'entassent. Des poupées Barbie, des peluches, des jeux éducatifs, tous sauvés de la benne. Depuis 2017, l'association Recycl'Jouets donne une seconde vie à ces objets abandonnés. Mais ce chantier d'insertion accomplit bien plus que du simple recyclage : il répare aussi ceux qui réparent. 

Un chantier d'insertion qui transforme les destins

Sarha, la directrice de Recycl'Jouets, a créé cette structure en réponse à un besoin criant sur le territoire. Guise était devenue une zone blanche, sans aucun chantier d'insertion. L'idée de recycler des jouets lui est apparue comme une solution viable et porteuse de sens. Aujourd'hui, vingt salariés en contrat à durée déterminée d'insertion travaillent au sein de l'atelier, à raison de 24 heures par semaine, rémunérés au SMIC.
 
Ces hommes et ces femmes arrivent avec des parcours fracturés : chômage de longue durée, problèmes de santé, difficultés familiales, manque de qualification. Corentin, Priscillia, Ophélie, Caroline, Yannick ou encore Caroline trouvent ici un espace pour se reconstruire. Leurs contrats sont renouvelables jusqu'à deux années, le temps nécessaire pour bâtir un projet professionnel solide.
 
Ophélie a multiplié les expériences professionnelles avant de rejoindre l'atelier. Gérante d'un café, livreuse en pizzeria, elle a dû tout arrêter suite au décès de son père, alors que sa fille n'avait que six mois. Après des mois sans activité, elle a trouvé un poste en service civique dans une EHPAD, parcourant chaque jour près de 200 kilomètres. Arrivée chez Recycl'Jouets en janvier, elle a enfin trouvé un équilibre.
 
Prsicillia rêve d'ouvrir sa propre auto-entreprise dans la vente d'occasion. Sans diplôme au-delà du brevet des collèges, il a enchaîné les emplois dans l'agroalimentaire et le commerce. Il attend aujourd'hui de passer son permis de conduire, conscient que sans ce précieux sésame, les portes de l'emploi restent fermées.
 
Corentin, lui, s'est découvert une passion pour la soudure. Il attend qu'une formation démarre, suspendue faute de financements. En attendant, il apprend la rigueur du travail en équipe et la gestion du stress.
 

Un parcours d'insertion 

L'accompagnement proposé par Recycl'Jouets repose sur trois piliers essentiels. D'abord, la remise à niveau grâce au certificat CLEA, qui valide les compétences de base en français, mathématiques et informatique. Ce diplôme, reconnu au niveau national, garantit la maîtrise des compétences essentielles dans le monde du travail.
 
Kathy, formatrice, prépare les salariés avec patience et bienveillance. Les séances de révision alternent avec les tâches à l'atelier. Ophélie, Corentin, Yannick et Priscillia ont passé l'examen sous la supervision d'Abdellatif, l'examinateur. Malgré le stress, les résultats sont encourageants. Ophélie et Corentin obtiennent leur certification, tandis que Prsicillia, une autre salariée, valide cinq modules sur sept. La fierté se lit sur leurs visages.
 
Après cette première étape, les salariés peuvent accéder à une formation qualifiante adaptée à leur projet. Ophélie s'apprête ainsi à partir en parcours pour obtenir le Diplôme d'État d'Accompagnant Éducatif et Social (DEAES). Responsable, autonome et volontaire, elle a su saisir cette opportunité après un an et demi passé au sein de l'atelier. Marina lui garde sa place au chaud pendant deux mois, le temps qu'elle prépare son retour et trouve un emploi durable.
 
L'objectif final est clair : déboucher sur un contrat long ou à durée indéterminée. Chaque année, l'association affiche un taux de réussite de 80 % de sorties vers l'emploi ou la formation qualifiante, un chiffre dont l'équipe est fière.
 

Tri, réparation et solidarité

Au 61 rue Chantraine à Guise, les journées démarrent par la répartition des tâches : collecte dans les déchetteries, tri des jouets, réparation, nettoyage, mise en vente. Nathan, qui possède le permis, part avec Coco vider les points de collecte. Marina, l’encadrante supervise l'atelier, veillant à ce que chacun respecte l'organisation et le travail des autres.
 
Le respect du cadre est essentiel. Marina le rappelle souvent : elle n'est pas là pour se faire des amis, mais pour encadrer avec bienveillance et empathie. Les tensions surgissent parfois, notamment lorsque l'atelier se retrouve en désordre après le passage d'une équipe. Ces moments de friction font partie de l'apprentissage. Corentin en fait l'expérience lorsque Caroline lui demande de respecter le travail accompli par les autres.
 

Collecter et réparer

L'association a conventionné avec plusieurs déchetteries du département de l'Aisne. Les salariés effectuent régulièrement des tournées pour récupérer les jouets jetés. Lors d'une collecte, l'équipe ramène 267,32 kilos de jouets en une seule journée. Sur une année, ce sont entre 28 et 30 tonnes de jouets qui sont collectés. Un volume considérable qui dépasse largement les capacités de traitement actuelles de l'association.
 
Chaque année, plus de 100 000 tonnes de jouets sont jetées en France. Une grande partie finit incinérée, parfois encore dans leur emballage. À l'échelle du Nord de l'Aisne, 26 tonnes sont jetées par an. Recycl'Jouets parvient à remettre sur le marché les deux tiers des jouets collectés, offrant ainsi une alternative écologique au gaspillage.
 

La revente solidaire

Une fois réparés et nettoyés, les jouets sont vendus à prix solidaires dans les marchés, la boutique ou en ligne via le click & collect. Ce dispositif, créé pendant le Covid, permet aux familles de commander des jouets photographiés et mis en ligne sur le compte Facebook de l'association. Les salariés apprennent ainsi à utiliser les outils informatiques, une compétence transférable à de nombreux métiers.
 
Sur les marchés, les journées commencent tôt. Le froid pique, mais le café réconforte. Les ventes démarrent lentement, puis s'accélèrent. Un jeu éducatif à trois euros, une Barbie à quelques euros, un yéti qui fait craquer un enfant. Les clients apprécient les tarifs accessibles et la démarche solidaire.
 
Les ventes fluctuent selon les périodes. En début de mois, lorsque les familles reçoivent leurs revenus, l'activité est soutenue. Mais en fin de mois, la fréquentation chute drastiquement. Les clients manquent de moyens, et l'atelier vend moins. Heureusement, les marchés de Noël compensent ces périodes creuses. Dès le début de décembre, les achats de jouets s'intensifient, offrant un ballon d'oxygène financier à l'association.
 
Les bénéfices permettent de réinjecter de l'argent dans la structure : achat de gasoil pour les véhicules, fournitures pour les réparations, petits équipements. Chaque euro compte pour maintenir l'activité à flot.
 

Réussites et déceptions

Accompagner des personnes en difficulté demande une énergie considérable. Marina l’encadrante et Didier, responsable de l'accompagnement professionnel, donnent tout pour mener leurs salariés vers la réussite. Mais parfois, malgré les efforts, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Certaines personnes ne sont pas encore prêtes, trop de complications dans leur vie personnelle les empêchent d'avancer.
 
Au début, Marina avait du mal à accepter ces déceptions. Elle voulait un taux de réussite de 100 %. Aujourd'hui, elle a appris à accepter que l'on ne peut pas toujours tout contrôler. Comme elle le dit : 

"On fera tout ce qu'on peut, mais on ne fait pas toujours comme on veut."

Mais les victoires sont là, éclatantes. Lorsqu'un ancien salarié revient et raconte comment il a retrouvé un appartement, récupéré ses enfants, décroché un emploi stable, l'émotion est palpable. Ces témoignages de reconnaissance donnent un sens à tout le travail accompli. Ils permettent à l'équipe de tenir le rythme et de continuer à croire en leur mission.
 
Le contrat de Yannick, n’a pas été renouvelé, il n'a pas pu repasser son CLEA à temps. Il devra continuer son parcours seul. Mais Ophélie, Corentin et d'autres ont réussi, prouvant que la méthode fonctionne. Leurs sourires et leur fierté valent tous les efforts consentis.
 

Une démarche écologique et solidaire

Au-delà de l'insertion professionnelle, Recycl'Jouets porte un message écologique fort. En sauvant des jouets de la destruction, l'association sensibilise le public à la seconde main et à l'importance du recyclage. Sur les marchés, les salariés expliquent leur démarche, montrent que les objets d'occasion ont une valeur, qu'ils méritent d'être réparés plutôt que jetés.
 
Cette transmission éthique reste encore trop peu visible, mais elle est essentielle. Chaque jouet vendu devient le symbole d'un double sauvetage : celui de l'objet et celui de la personne qui l'a remis en état. Une forme de circularité vertueuse, où l'humain et l'écologie se rejoignent.
 

L'humain au cœur du projet

Les salariés arrivent avec leurs problèmes, leurs fragilités, leurs espoirs. L'équipe encadrante n'est ni juge, ni assistante sociale, ni gendarme. Elle doit rester dans son cadre, celui de l'accompagnement bienveillant mais exigeant. Ce cadre est essentiel pour que tout se passe bien.
 
Lorsqu’Ophélie quitte l'atelier pour sa formation en DEAES, l'émotion est palpable. Après un an et demi passé ensemble, les liens se sont tissés avec Prsicillia. Elle lui offre une boîte de mouchoirs en souvenir, pour qu'elle pense à l'atelier en cas de coup de blues. C'est cette humanité, cette attention aux autres, qui font la force de Recycl'Jouets.
 
Derrière l'image du "Père Noël et de ses lutins", souvent véhiculée dans les médias, se cache une réalité bien plus profonde. Celle de personnes qui apprennent à se relever, à croire en elles, à retrouver leur place dans la société. Un jouet à la fois. 
Retrouvez l'intégralité de nos émissions et replays Toutes les émissions